On nous ment. On se ment. On ment tout le temps, à propos de tout. La publicité ment : elle fait croire aux propriétés mirobolantes de tel produit, au bonheur que procurera tel achat, elle fait rêver mais elle ment. Les politiciens mentent : ils allèchent les citoyens de programmes électoraux qu’ils ne suivent pas une fois élus, leur finalité première étant de se faire élire.
Les autorités médicales mentent : elles se contredisent les unes les autres, manipulent les statistiques sur les taux de réussite de tel traitement, sur les effets secondaires de tel médicament ou les miracles de telle pilule, et promettent ainsi un “meilleur des mondes” grâce aux biotechnologies. Les médias mentent : les faits sont traités unilatéralement, déformés, biaisés, passés sous silence. Comment pourraient-ils faire autrement, quand on sait dans quelle minorité de mains ils sont regroupés et quels intérêts se trouvent derrière eux ?
Rien ni personne n’est épargné par le mensonge, la manipulation, la séduction, la triche. Certains mentent délibérément, pour convaincre, pour vendre, pour leurrer, pour obtenir une position dominante. D’autres mentent par omission, ignorant certains faits ou n’en présentant qu’une part, en négligeant ce qui pourrait nuire à leurs intérêts. D’autres encore mentent parce qu’ils se leurrent eux-mêmes, prenant leurs propres illusions pour des réalités. On ment aussi parce qu’on finit par ne plus savoir où est la limite entre le vrai et le faux, tant le monde d’aujourd’hui existe davantage dans le virtuel, le cyberespace, sur des écrans, dans l’immatériel, en étant de plus en plus coupé du réel, du vivant.
On ment à tout va, certes, mais faut-il s’en offusquer ?. Faut-il faire la chasse aux menteurs, aux manipulateurs, à ceux qui abusent de la confiance des autres ? C’est le parti que prennent divers organismes et quelques médias. C’est faire fausse route, à mon avis. Tout ce mensonge, toutes ces manipulations m’apparaissent comme un excellent moyen d’apprendre individuellement une des leçons les plus importantes qui soient : ” Ne croyons rien ni personne “. Testons, vérifions, comparons toutes les informations dont nous disposons. Devenons indépendant, responsable, autonome.
On croit quand on ne sait pas, quand on ne connaît pas. Qu’est-ce que la croyance ? Une hypothèse qu’on transforme en vérité sans l’avoir vérifiée. Cessons de croire et expérimentons davantage. C’est particulièrement vrai dans tout ce qui touche directement notre propre personne : santé, épanouissement personnel, spiritualité. Nulle raison de croire lorsqu’on peut vérifier les choses par soi-même. Pour les uns le citron est un aliment acidifiant, pour les autres il alcalinise : qu’en est-il ? Testez ! Testez-le sur vous. Nous ne sommes pas des machines. Chacun d’entre nous réagit différemment des autres et nos propres réactions varient aux divers âges de la vie. Telle approche conviendra à telle personne et non à telle autre. Nos vérités ne sont pas les mêmes et elles changent à mesure que nous évoluons et nous transformons.
Si l’on devait se défaire de tout le savoir accumulé dans sa tête, que l’on n’a jamais pris la peine de vérifier, que resterait-il ?. Une toute petite proportion de vécu, d’expériences personnelles, de certitudes intérieures. On affirme : ” Les Serbes sont comme ci. “, ” Le cholestérol fait cela. “. Qu’en sait-on personnellement ? Ne fait-on que répéter ce qu’on a vu dans les médias, dont la fiabilité est incertaine ? Il serait sage d’apprendre à faire beaucoup plus grand usage du conditionnel, du mode hypothétique, et ne parler de ce qu’on n’a pas vérifié soi-même qu’en des termes laissant ouvert tous les possibles.
Celui qui veut connaître le vrai ne peut plus aujourd’hui se fier aveuglément à qui que ce soit. Il doit apprendre à vivre avec l’incertitude, accepter le flou, être vigilant et critique, dans tous les domaines. ” Malheur à l’homme qui, au moins une fois dans sa vie, n’a pas tout remis en question “, disait déjà Pascal. Cet adage est plus nécessaire aujourd’hui que jamais. TOUT remettre en question. Multiplier les points de vue, les informations. Se méfier de ses propres a priori, souvent influencés par nos conditionnement sociaux, éducatifs, religieux, etc. Transformer ses croyances en simples hypothèses, toujours susceptibles d’être révisées. On ne peut croire que dans un climat de confiance : à l’évidence cette condition est trop rarement remplie aujourd’hui par ceux qui demandent qu’on les croie. Alors ne croyons pas, ne croyons plus.
Le mensonge est omniprésent, et finalement c’est tant mieux ! Il est temps de retrouver ses vérités propres, ses vérités intérieures, loin des dogmes et des normes collectives. Un animal sauvage sait beaucoup moins de choses que nous, mais il en connaît souvent beaucoup plus. Le savoir intellectuel lui fait défaut, il n’a pas le mental humain pour se gaver de faits, chiffres et idées qui ne lui appartiennent pas, mais il a un vécu de première main plus important, il est encore connecté à sa sagesse instinctive, à l’intelligence de la vie. Une métaphore : à un immense grenier rempli de semences inutilisées, préférer un jardin bien entretenu avec des légumes et herbes que l’on connaît bien. A un mental truffé de données non vérifiées, préférer un vécu individuel riche et personnalisé.
Un proverbe oriental dit ceci : ” Si vous avez mal aux pieds, vous avez le choix entre recouvrir la terre entière de cuir. ou porter des chaussures. ” Chacun a aussi le choix entre lutter contre toutes les sources de mensonge et de manipulation – vaste programme ! – ou renforcer son sens critique, multiplier ses expériences afin d’avoir, chaque fois que c’est possible, un vécu de première main, et garder du recul sur toute information qu’il n’est pas possible de vérifier. Le mensonge ambiant peut ainsi servir de terreau pour cultiver la vérité en s’enracinant dans le réel et le vécu.
Olivier Clerc